Rastislav – Saint empereur de la Grande-Moravie

Rastislav naît, probablement dans la décennie 820, dans une famille princière, dans un territoire encore peu christianisé, où la population parle la langue slavonne et suit les rites et croyances de la religion slave. Il serait le neveu du prince Mojmir qui unit, dans les années 830, la principauté de Nitra et celle de Morava pour créer la Grande-Moravie. Cette union se passe dans un contexte de tension avec les Francs, dont l’influence se ressent militairement et culturellement. En 828, l’archevêque de Salzbourg, Adalram représentant du clergé de la Francie orientale, consacre par exemple une église à Nitra.

Rastislav est donc installé par le pouvoir franc, mais son règne va marquer une véritable continuation de la résistance à Louis le Germanique entamée par son oncle. Pour cela, il s’appuie à la fois sur les dissensions du royaume de Francie orientale, l’action militaire mais aussi sur le processus de christianisation. Les historiens du XIXe siècle racontent qu’il se convertit au christianisme dès son ascension sur le trône, mais ne travaille que peu à la christianisation de la Grande-Moravie dans les premiers temps de son règne. Sa conversion est logique au regard d’un pouvoir installé par les Francs, donc chrétien.

Dès 861, Rastislav s’adresse au pape Nicolas Ier afin d’obtenir l’envoi de missionnaires qui maîtrisent la langue slave, afin d’accélérer la christianisation du territoire sans que celle-ci soit le fait de missionnaires issus de la Germanie proche, ce qui renforcerait l’influence franque, mais sa lettre reste sans réponse.

Rastislav continue ses efforts de christianisation de la Grande-Moravie, et s’adresse, en 863, à une autre haute autorité temporelle et spirituelle de l’époque : l’empereur byzantin, Michel III. Cette fois-ci, il demande non seulement des missionnaires, mais l’envoi d’un évêque qui puisse s’installer sur le territoire. L’instauration d’un diocèse slave conforterait l’autonomie du territoire, qu’on pouvait considérer, à cette époque, sous l’autorité de l’archidiocèse franc de Salzbourg. En réponse à cette missive, Michel III envoie deux missionnaires grecs, Constantin (qui prendra plus tard le nom de Cyrille) et Méthode. Les deux frères, pour répandre la doctrine chrétienne, vont créer l’alphabet glagolitique, pour transcrire la langue slave, qui est jusque-là orale. A l’aide de cette invention, ils traduisent la liturgie et les Saintes Écritures en slavon, ce qui permet de s’adresser directement à la population, sans passer par le latin, qui est la langue liturgique utilisée par le clergé franc. Leur mission d’évangélisation est considérée comme un succès, et, en 869, le pape Adrien II élève Méthode au rang d’archevêque de Sirmium, avec autorité, notamment, sur le territoire de Rastislav. Cela consolide la position d’une autorité religieuse slave qui se fait sans la domination franque.

Cependant, la libération progressive de l’influence franque dérange Louis le Germanique, qui va s’employer à rétablir une domination sur la Grande-Moravie. En 865, le souverain se réconcilie avec son fils Carloman, à la suite de la révolte de ce dernier. Alors que Rastislav avait profité des disputes dans la famille royale pour étendre son territoire, il doit maintenant faire face à un ennemi uni, qui cherche à restaurer son autorité à la frontière est de son territoire.

En 868, le souverain franc charge Carloman d’entreprendre des expéditions contre Rastislav, soldées par deux défaites des Moraves et des pillages effectués par l’armée franque. On en trouve une trace dans les Annales de Fulda :

« Les [Slaves] que l’on appelle [bohèmes] infestaient par leurs fréquentes incursions les frontières des [Bavarois], brûlant les villages & enlevant les femmes […]. [Carloman] attaqua deux fois [Rastislav], et fut toujours vainqueur & il fit là beaucoup de butin ainsi qu’il en convient lui-même dans ses lettres à son père.  » Annales de Fulda, an 870

Alors qu’une troisième expédition est prévue en Grande-Moravie, Louis tombe malade, et les campagnes suivantes sont menées par Carloman et son frère Charles (dit « le Gros »). Face à ces menaces, il semble que Rastislav réorganise les domaines de Grande-Moravie, et attribue un fief proche de la frontière à son neveu Svatopluk. Mais cette réorganisation se retourne contre le souverain : alors que les Francs envahissent une troisième fois, Svatopluk entre en négociations avec Carloman, et reconnaît le prince franc comme son suzerain. Selon les Annales de Fulda, en apprenant cela, Rastislav prévoit de faire assassiner son neveu durant un banquet, mais celui-ci aurait été prévenu, et aurait prétendu être parti à la chasse. Rastislav part donc à la poursuite son neveu, mais tombe dans une embuscade tendue par celui-ci. Svatopluk livre donc son oncle à Carloman, qui l’emprisonne pour le remettre à Louis le Germanique au retour de son expédition :

« [Svatopluk] se rendit maître de sa personne, le fit lier & le présenta à [Carloman]. Celui-ci l’envoya en Bavière & en attendant qu’il pût être conduit devant le Roi, il fut renfermé dans une prison. Alors [Carloman] entra dans son royaume sans résistance, s’empara des villes & des châteaux & après y avoir mis ses tiens, il retourna chez lui avec de riches trésors. » Annales de Fulda, an 870

Carloman livre enfin le souverain de la Grande-Moravie à son père Louis le Germanique. Ce dernier organisa son jugement le jour où ses vassaux bavarois, slaves et francs venaient lui porter tribut dans la ville de Ratisbonne, en Bavière. En présence de ceux-ci, Rastislav est condamné à mort, mais le roi franc commue cette peine. Il est donc condamné à l’emprisonnement et l’aveuglement. De ce fait, le souverain franc met fin au règne de Rastislav, et met en scène le retour de la main franque sur la Grande-Moravie.

Si les sources ne donnent pas plus de détails concernant sa fin, il est probable que Rastislav meure peu de temps après l’exécution de son aveuglement, possiblement dans un monastère bavarois (l’emprisonnement dans les monastères ou abbayes de souverains déchus et déposés est une pratique courante durant le Haut Moyen-Âge).

Le roi Rastislav recevant les Saintes Écritures traduites par Cyrille et Méthode

Depuis 1994, Rastislav fait partie des saints de l’Église orthodoxe de Tchéquie et de Slovaquie, à la suite de sa canonisation. Il est fêté le 28 octobre.

Saint Ratislav prie Dieu pour nous !

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